L’ART DIVINATOIRE IFA OU FÂ : QUAND LA LUMIÈRE DES DIEUX ÉCLAIRE LES HOMMES

A  l’occasion de la fête des religions endogènes, célébrée chaque année au Bénin le 10 janvier, je suis, une fois encore, heureux d’apporter par ce billet, ma  contribution  à l’événement en fournissant quelques points de repère sur la dimension fondamentale, la clé de voûte des orishas et des vodouns: l’Ifa, pour les Yoroubas, et le Fâ, pour les Fons. Toutefois, n’appartenant à aucune confrérie d’Ifa/Fâ, mon objectif est de clarifier, autant que faire se peut, pour le profane que je suis, la genèse, le principe et les caractéristiques de l’art divinatoire Ifa ou Fâ. Il a été diabolisé par le colon et reste encore un mystère pour la majorité des Béninois modernes.

L’homme et son destin

Comme Jacob, qui s’écria dans la Bible « Mon sort est caché devant l’éternel ! », l’homme est toujours poursuivi par l’énigme de son destin. Depuis la  nuit des temps, l’homme a toujours été inquiet pour son destin, car il ne le connait pas et ne peut pas y échapper. Ce dilemme lui fait peur, à cause des vicissitudes de la vie qu’il redoute. Aussi, chez tous les peuples de la terre, l’homme va s’évertuer, par tous les procédés possibles, de percer le mystère de son existence : la cause, 1′ origine de ses divers malheurs et les moyens d’y échapper. L’ensemble des procédés inventés par l’homme, en vue de sonder, de percer ce mystère, s’appelle «l’arts conjectural» et sa pratique est la divination. Dans toutes les civilisations qui utilisent l’écriture, la géomancie et la taromancie ont été, depuis l’antiquité, suffisamment expérimentées, documentées et comptent de nos jours parmi « les mancies expérimentales » ou « mancies mères ».
Chez les peuples noirs d’Afrique sans écriture, de tous les procédés expérimentés, l’IFa est l’un des moyens par excellence permettant de révéler les desseins de Dieu. C’est une technique, un art, un oracle qui permet aux devins de communiquer avec Dieu, à travers les Orishas, les ancêtres, les défunts, etc. Il est utilisé dans les moments critiques de la vie tels que les maladie graves, les décès, les naissances, les mariages, à tout moment. Ifa est le nom donné à Orunmila, la divinité de la sagesse et du, destin dans la culture yoruba du Nigéria et du Bénin. L’oracle Ifa est également connue sous le nom de Fá chez les Fons du Bénin ou d’Afá dans les cultures ewe du Bénin et du Togo. Ce nom trouve son origine dans la ville d’Ilé Ifé, au Nigéria, où selon la tradition, cet art divinatoire serait apparu en premier sur le content africain.  Du Nigéria,  l’Ifa s’est répandu en premier au bénin, au Togo puis au Ghana, en s’intégrant harmonieusement, dans ces trois pays, au vodoun.  D’ailleurs, il représente le trait d’union parfait entre les orishas des Yoroubas et les vodouns des Fons du Benin. Ceci illustre la grande parenté des panthéons des Yoroubas du Nigéria et des Fons du Bénin, même si ces deux communautés ne partagent pas la même mythologie.
Chez les Yoroubas, c’est par l’Ifa, le rituel de divination, que l’adepte prend contact avec les Orishas, et c’est Orunmila, l’orisha de la divination et du destin, qui transmet aux dieux les questions des hommes et leur apporte en retour les réponses des dieux. C’est également lui qui informe les esprits si les sacrifices destinés à les apaiser ont été réalisés comme ils se devaient. Chez les Fons du Bénin, cette fonction est tenue par le vodoun Lègba qui sert d’intermédiaire entre le monde des esprits, dont il parle toutes les langues, et le monde des humains, via la divination du Fâ, comme je l’ai déjà fait remarqué dans un article précédent. Ainsi pour ces deux communautés, seul l’Ifa, ou le Fâ, peut donner la solution à tous les maux, après en avoir révélé les causes. Il parle toujours en paraboles, en tant que système de divination. Son langage est donc symbolique et se traduit par des traits qui forment des signes, ou « Odu » en yorouba, ou « Dou » en fon. Seuls les prêtres d’Ifa, les Babalawo chez les Yorubas, ou les Bokonon chez les Fons, qui maitrisent le langage et les rites d’Ifa, peuvent décrypter chaque signe et prescrire ses recommandations ; un ministère qui nécessite un long apprentissage, en sorte une formation initiatique.

L’Ifa et le symbolisme du nombre seize

La religion des Yoruba est monothéiste. Oloddumare en est le dieu unique, absolu, créateur et source de toutes choses. Son nom signifie « Seigneur de notre éternel destin ». Oloddumare ne possède aucun autel, ni statues, ne fait l’objet d’aucun culte ni d’offrande et ne possède pas de collier. Autour de lui et sous sa puissante autorité, gravitent des divinités connues sous la dénomination de « Irunmole » ou orishas, l’équivalent des vodouns du Bénin. Les orishas sont, en réalité, objets de cultes. Parmi les orishas les plus importants, on compte : Orunmila (esprit de la divination, destin), Sango (esprit du tonnerre et des éclairs), Ochosi (esprit de la chasse, et protecteur de ceux qui ont des problèmes judiciaires), Ellegua, ou Exu ( celui qui ouvre la route), Ogun (dieu du fer), Obatala (esprit de la justice), Yemonja ou Yamaya (esprit de la fertilité et des eaux salées ; sirène), Ọya (gardien des morts et des cimetières),  Ibeji (esprit des jumeaux), Ọsanyin (esprit des médecines et de la guérison), Ọsun (esprit de l’amour, protecteur des enfants et des mères, maître des eaux douces), etc. Ils sont considérés comme les intermédiaires entre les hommes et Olodumare. Les orishas sont les divinités chargées par Oloddumare de veiller à maintenir l’ordre dans le monde matériel, c’est-à-dire d’assister les hommes dans leur destinée mais aussi parfois les contraindre à suivre cette destinée s’ils s’en écartent trop.
Selon la cosmogonie yoruba, au commencement, il n’y avait que l’eau et le chaos. Olodumare dépêcha  son fils Odudua depuis le ciel pour créer la terre à partir du chaos ce qui fut  fait. Obatala un fils du roi sculpta des formes humaines auquel Olodumaré insuffla le souffle.  Mais Olodumare autorisa uniquement Orunmila à être l’unique témoin de toutes les étapes de la création de l’univers et donc unique témoin du destin de toute la créature. Par conséquent, Olodumare  l’autorisa à descendre sur terre pour être prophète. Il est donc l’Orisha de la divination et l’oracle suprême. Il est chargé d’aider les hommes dans une évolution qui devra les amener au terme de leurs réincarnations à devenir de purs esprits dans le royaume du Orun (ciel). Pour cela Orunmila doit pouvoir adresser ses conseils et avis aux êtres humains tout au long de leur existence.  C’est par la divination de l’Ifa qu’Orunmila communique avec les prêtres spécialisés, les babalawos qui peuvent l’interpréter. Il est par conséquent le Orisha de la divination et du destin. C’est à lui que Olodumare a donné le pouvoir d’établir le lien entre les Orishas et l’être suprême, par l’intermédiaire de l’Orisha Ifa, une recette secrète permettant de pénétrer le mystère et qui  repose sur le symbolisme du nombre « seize ».
Selon la légende, Oluda, le premier roi (Oni) d’Ifa eut seize fils qui fondèrent les seize royaumes yorubas. Orunmila apprit l’art de la divination aux seize fils qui la transmirent à leurs successeurs les Babalawos (les devins ou prêtres d’Ifa). Le seize représente les seize possibilités de vie humaine. Ces seize principes appelés Odu ou Oladu, eurent à leur tour seize fils chacun représentant ainsi 256 possibilités de vie humaine. Chaque possibilité (odu) possède seize poèmes (ese) qui transmettent des indices pour les séances de divination, ce qui donne finalement 4096 scénarii possibles.

Du symbole à la pratique de l’Ifa ou du Fâ

En pratique, l’Ifa ou le Fa revêt deux aspects, il est fois divinité, mais aussi science. Certes le fa est une géomancie, un art divinatoire, mais ce n’est là que sa dimension symbolique. L’IfA est avant tout, une voie de connaissance, une doctrine initiatique, une lumière qui éclaire le sentier de la vie de tout un chacun. C’est une dimension du temps, il aide l’homme qui se réfère à lui à mieux se comprendre et entrevoir le destin au travers d’une vision plus lumineuse. Ce qui pourrait l’aider à agir sur tous les plans avec plus de sciences, d’efficacité et de sagesse. En effet, La divination du Fa repose sur un système binaire, rappelant celui des hexagrammes du Yi Jing.
La pratique de l’Ifa repose soit sur l’utilisation de 16 noix sacrées et de la planche d’Ifa (grand jeu) ou du chapelet divinatoire, « l’Opèlè » et un plateau de divination nommé : « ọpọn ifá » en yoruba (le petit jeu). Le chapelet est  constitué de 8 semi amandes de pommes cannelles consacrées et enfilées sur une ficelle d’une certaine longueur et nommée « ọpẹlẹ » en yoruba ou « agumaga » en fon. chapelet ifaIl est tenu par le milieu de sorte à former deux branches, mâle et femelle, constituée chacune de 4 demi amandes. Quelque soit la méthode utilisée, la transcription de l’oracle est la même.
Avec le chapelet, pour obtenir une réponse conséquente, la consultation nécessite trois lancements, un lancement principal et deux complémentaires. Pour chaque opération, le prêtre d’Ifa, le Babalawo réalise un lancement du chapelet après un rituel donné. Selon que les demi noix retombent  sur la partie concave (ouverte) ou convexe (fermée), il transcrit  le signe apparu sur le plateau de divination  par une valeur simple : I (position ouverte) ou double : II (position fermée). Ainsi, chacune des deux branches du chapelet peut présenter l’une quelconque des 16 combinaisons possibles ci-dessous ou combinaisons de base ou figure mère de l’oracle Ifa.
figure mère fondamentale du Fa
Les 16 figures mères fondamentales d’Ifa, avec leur nom en yoruba et en fon.
L’ordre dans lequel elles sont données est celui-ci accepté par la majorité des devins d’Afrique de l’Ouest, même s’il peut exister de petites variations selon les régions
Le chapelet ayant deux branches,  l’assemblage des deux colonnes donne une  combinaison 16 x 16, soit 256 combinaisons (odu)  en yorouba ou (dou)  en fon  qui représentent les 256 possibilités de vies humaines. Le nom de chacune des 256 combinaisons est construit à partir des deux figures mères qui la composent, la colonne de droite en premier car elle est considérée comme plus puissante et plus déterminante, elle représente le signe même, tandis que la colonne de gauche représente la maison. Lorsque les deux colonnes sont identiques, on parle de figure meji (double). Il en existe 16 qui représentent les 16 maisons géomanciques.
A chaque combinaison correspond des vers (« ese » en yoruba) qui racontent une histoire mythologique, un conte, une chanson, un proverbe, une devinette… sur lesquels le devin va se baser pour réaliser son interprétation. La tradition affirme qu’il y aurait 16 vers par combinaison odu/dou du fa, ce qui fait au total un corpus conséquent de plus de 4096 vers. En d’autres termes lorsqu’une question est posée à un babalawo (devin), il existe 4096 réponses possibles, soit autant de poèmes qui devront être interprétés par le devin pour donner une réponse. Un bon devin est supposé en avoir mémorisé le plus possible. Il est cependant admis qu’il est possible de tirer l’Ifa et de réaliser des prédictions correctes en ne connaissant que quatre vers essentiels par odu/dou. Les consultants peuvent demander une divination du Fa pour des raisons diverses et variées : se faire prédire son avenir, connaître le sort de proches passés dans l’au-delà ; ou trouver une solution à un souci de santé, un manque d’argent, un conflit, des problèmes conjugaux. La divination d’Ifa était anciennement utilisée avant chaque prise de décision importante. Les figures caractéristiques d’Ifa,  leur signification et les prescriptions essentielles de ces signes feront l’objet d’un autre article.

Le sens mystique des signes d’Ifa ou de Fâ

Afin de saisir toute la portée mystique et la signification profonde des signes, il est très important de faire une identification des quatre noix de chaque branche du chapelet d’Ifa avec les quatre éléments naturels impondérables que sont le feu, l’air, l’eau et la terre, sources de toutes énergie du monde terrestre. Les éléments du haut du chapelet (feu et air) représentant 1 ‘esprit et ceux du bas (eau et terre), la matière. Notre monde terrestre et la vie n’étant autre chose qu’une combinaison, une fusion de ces quatre éléments impondérables on retrouvera ces quatre éléments dans différentes proportions dans toute espèce créée ici-bas. Chaque entité humaine, chaque situation humaine représente une addition, une combinaison et une fusion de ces quatre éléments dans de différentes proportions et symbolisée par les divers signes. Autrement dit, chaque type humain est la manifestation du signe auquel il appartient. Le signe permet donc de révéler le type humain, son comportement, ses facultés, en un mot tout son caractère, ses spécificités ou caractéristiques essentielles.

Les dérives de la consultation de l’Ifa ou du Fâ

L’Ifa ou FA, prospecte tous les domaines de la vie sociale de l’individu : naissance, difficultés d’accouchement, travail, emploi, entreprise quelconque, mariage, vie du foyer, décès  etc…  Il aide l’homme qui se réfère à lui à mieux se comprendre et entrevoir le destin au travers d’une vision plus lumineuse, en suivant les conseils de l’oracle et en réalisant les sacrifices rituels, généralement modestes, prescrits. Ce qui pourrait l’aider à agir sur tous les plans avec plus de sciences, d’efficacité et de sagesse.
Toutefois, la consultation d’Ifa est bénéfique et sans risque pour quiconque s’en réfère, à condition, sous entendu, d’exécuter les sacrifices prescrits. A la réflexion, théoriquement,A le risque est de subir des dommages ou d’affronter des obstacles évitables et contre lesquels l’oracle vous aura prévenu. Mais en réalité le risque semble plus grand que cet aspect. Il est écrit que tu ne tenteras pas l’Eternel ton Dieu et consulter sans sacrifier apparaît comme une forme de défi de la divinité du destin. Ou s’arrête la colère de la divinité, ou commence les représailles possibles des prêtres d’Ifa ‘babalawo et bokonon)   qui ont officié la consultation et pour qui cela représente un manque à gagner? Seules la probité et  l’intégrité de ces distingués hommes peuvent en faire foi.  Aussi faut-il être bien conseillé pour ne pas tomber sur les faux dévots, nombreux dans la profession et qui font le business d’Ifa et les vrais maîtres pour qui l’aspect financier est secondaire.
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Au total Il y a seize (16) maisons géomanciques et seize (16) signes principaux. La passation des seize signes dans les seize maisons géomanciques donne un total de 256 (deux cent cinquante six) signes.  Ainsi, le Fâ est non seulement un art, mais il est surtout un livre ouvert sur la vie. Les prêtes de l’Ifa ou du Fâ, les Babalawo chez les Yoruba, ou Bokonon chez les Fons, sont à la fois des diagnosticiens, des prescripteurs, des psychologues et des psychiatres. Ce sont de grands érudits qui  savent écouter et aider les humains à régler leurs problèmes de santé, d’emploi, de couple, de promotion, de travail,  de paix, de bonheur et d’amour. « Le 21ème siècle sera religieux, ou ne sera pas », la pensée est attribuée à tort à André Malraux, mais on est bien tenté  de croire qu’il le sera, au regard de l’omniprésence du religieux dans le débat public sur l’ensemble de 5 continents. Mais ce qui est, d’ores et déjà certain, le 21e siècle est  l’entrée dans la mondialisation. Et face au foisonnement d’initiatives religieuses, des églises du réveil et des sectes islamistes, certains seraient tentés d’envisager le déclin des systèmes religieux endogènes d’Afrique ; or il n’en est rien. L’existence de ces religions continue à nourrir de leur ferveur populaire les religions révélées  (christianisme, islam). En réalité, les religions révélées sur le continent sont comme toutes fécondées par les religions endogènes, ce qui génère un néo syncrétisme non avoué auquel je consacrerai un article bientôt.
AGBADJE Adébayo Babatoundé Charles

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