Oduduwa : la révolution de la civilisation Yoruba
La civilisation Yoruba est probablement une de celles qui laissent
le plus marques visibles aujourd’hui encore d’un génie, d’une vitalité
culturelle, politique, administrative et religieuse anciens et enracinés en
Afrique précoloniale. Tant et si bien que l’art souvent qualifié de réaliste
d’Ilé-Ifé a alimenté des spéculations absconses sur son origine exogène à
l’Afrique. Dans son ouvrage «L’Afrique noire précoloniale» Cheikh Anta Diop,
suivant en cela les travaux de Olumide Lucas, avançait que ce peuple avait
séjourné dans l’antiquité en Egypte pharaonique, sur foi des nombreuses
similitudes et identités de langues, de croyances, de coutumes, de culture
matérielle, de noms de personnes, de choses ou d’objets.
Les origines [post-nilotique ?] de cette civilisation, selon
plusieurs sources et hypothèses différentes sur la genèse et les migrations de
ce peuple, renvoient au personnage de Oduduwa, au cœur de la fondation du
royaume. Heriberto Feraudy Espino dresse une synthèse de l’histoire de ce
peuple intitulée «Des Yorubas : Ses Origines», que l’on ré-intitulerait
peut-être plus justement par «Des origines des Yorubas», publiée par le
magazine culturel cubain Cubarte, qu’Afrikara diffuse après relecture et
correction. Le texte de base ayant très probablement été écrit en espagnol puis
traduit en français dans un second temps.
Au-delà des discussions et découpages historiographiques, une
forte unité culturelle dans l’esprit des origines et des pratiques de pouvoir
et de vivre-ensemble se dégage de ce texte. L’importance des questions de
légitimité, de légalité, d’éthique du pouvoir et d’exigence dans la conduite
des affaires publiques interpelle et pousse à la réflexion sur une vision
africaine du politique, du sacré, du progrès.
Accompagné de ses collaborateurs ils ont dû abandonner la Mecque
et entamer une longue et fatigante marche vers Ile-Ifé. Ils marchèrent pendant
90 journées et autant de nuits. Tout cela est arrivé après Mahomet.
Dans son intérêt pour ramener l´Islam aux religions préislamiques,
Oduduwa, a fait transformer la grande mosquée de la ville en temple et d´un
jour à l´autre, on l´a vu remplir des objets rituels, fabriqués par le prêtre
Asara, qui avait un enfant nommé Braima, lequel croyait en l´Islam comme dans
le jour de sa naissance. Pendant sa jeunesse, il se dédiait à vendre les
fétiches de son père et comme il était un fanatique de l´Islam, il n´aimait pas
du tout cette tâche.
Lorsque Braima annonçait ses articles il disait : «y t-il
quelqu´un qui veuille acheter ces faussetés ? ».
Braima a grandi avec tant de haine dans son cœur que lorsqu´il a
eu l´âge convenable il a détruit à coups de hache les dieux fabriqués par son
père. La hache principale est restée accrochée au cou de l´idole principale qui
avait une figure humaine.
Tout au début on ne savait pas qui avait été l´auteur de
l´hérésie, mais on fit une enquête et finalement on découvrit l´iconoclaste.
Questionné, il a dit : « demandez à cette idole ce qu´elle a fait ». Les
interrogateurs lui demandèrent s´il pensait que l´idole pouvait parler et alors
Braima répondit : «Pourquoi adorez-vous des choses qui ne parlent pas ? ».
Alors on recueillit du bois pour le bûcher et on apporta des
casseroles d´huile pour les allumer. Braima fut brûlé pour son crime de
profanation. La guerre civile éclata et les mahométans les plus puissants
vainquirent les partisans de Oduduwa. Lamurudu fut assassiné et ses enfants et
continuateurs chassés de la ville.
Selon les traditions citées par Samuel Johnson, dans son ouvrage
History of Yoruba, une des grandes interrogations sur les Yorubas selon
lesquelles ils viendraient d´un endroit au Nord qui pourrait être la Mecque, le
Haut Egypte, la Nubie ou le Nil se trouverait résolue.
Selon la version de Johnson, Oduduwa et ses enfants ont déclaré
une hostilité mortelle contre les Musulmans de leur pays et ont décidé de se
venger, mais Oduduwa est mort à Ilé-Ifé avant d´être assez fort pour
entreprendre une marche contre ses ennemis. Selon cette tradition, Okambi le
fils aîné de Oduduwa, nommé Ideko Sedoake, est mort aussi à Ilé-Ifé laissant
sept princes et princesses à partir desquels sont nées plusieurs tribus de la
nation Yoruba.
Des Mythes et des Légendes sur Oduduwa
Une tradition du Bénin raconte que Oduduwa était un prince que
l’on appelait Ekaladerhan, fils de Owodo, le dernier Ogiso, titre par lequel on
désignait les dirigeants du Bénin, le nom d´un royaume enclavé dans les terres
de Nigeria et qu´actuellement on nomme l´état de Bendel.
Ekaladerhan était le fils unique d´Owodo. On raconte qu´en conséquence
des intrigues familiales, les épouses d´Owodo et lui s’étaient réunis et à la
suite de longues discussions l’avaient convaincu que l´oracle exigeait qu’il
tue son fils, sinon elles n´auraient plus d´enfants. On raconte qu´Ogiso médita
longtemps et décida de ne pas tuer réellement son fils, mais de l’éloigner de
la communauté.
Selon les habitants du Bénin, appelés à l´époque igodomigodos, le
jour où Ekaladerhan abandonna la ville avec ses collaborateurs fut un jour
pénible, angoissant, un jour froid, sans pluie ni soleil. Le peuple accueillit
la nouvelle avec beaucoup d’émotion. Ils avaient pensé que peut être le prince
Ekaladerhan pourrait succéder son père à la mort de celui-ci, sachant que à
cette époque au moins 30 ogisos avaient renoncé au pouvoir pour cause de luttes
de pouvoir et des conflits internes. Ils voyaient maintenant leurs plans
frustrés et ils souffraient sous la férule d´un roi qui était en train de
renier de son fils. Par désapprobation de l’attitude de l´Ogiso Owodo, le
peuple prit la décision de le détrôner.
La légende raconte que cet événement fut suivi d´une longue
période d´instabilité politique dans l´ancien Bénin.
De même les témoignages affirment que lorsque Ekaladerhan fut
chassé par son père, il arriva à Ilé-Ifé avec ses accompagnateurs et le peuple
de cet endroit, étonné, les regardait de façon oblique, sans pouvoir comprendre
la langue qu´ils parlaient. On dit que Ekaladerhan après avoir marché un long
chemin, suivi par des curieux, chercha un espace approprié et il s´assit,
observé avec insistance par les regards surpris de ceux qui l´entouraient. Il
commença à raconter sa triste histoire en langue bini méconnue des habitants
d´Ilé.Ifé
Ceux qui parvinrent à le comprendre racontèrent par la suite que
Ekaladerhan avait expliqué comment il avait été fidèle à son père qu´il
admirait et respectait et que cependant, guidé par les intrigues et l´ignorance
dans un acte d´injustice et de cruauté, ce dernier l´avait chassé de son
royaume. Il ajouta que dans de telles circonstances, le prince était devenu un
vagabond, sans gloire ni fortune.
On raconte en plus que de tous les mots prononcés par l´ancien
prince, celui qui eut le plus grand impact sur les villageois d´Ilé Ifé fut
Iduduwa. Chaque fois qu´on parlait avec lui on l´entendait dire ce mot. Avec le
temps on apprit qu´il s´agissait d´un mot appartenant à la langue bini dont le
sens était chagrin, affliction, remord, littéralement cela veut dire « je me
suis heurté avec la fortune ». Les habitants d´Ilé-Ifé ont interprétèrent le
vocable Iduduwa comme le nom de Ekaladerhan et changèrent sa prononciation, ils
commencèrent à l´appeler Oduduwa.
La tradition dit qu´un jour arrivèrent à Ilé-Ifé plusieurs
messagers des igodomigodos. Afin d´informer le prince de la mort de son père et
de le supplier de retourner à son village natal pour assumer le trône. A ce
moment Oduduwa avait installé son propre gouvernement, avait sa famille et il
avait perdu en plus tout intérêt à revenir sur les lieux d´où il avait été
expulsé. Pour cette raison il se refusa catégoriquement à agréer la demande des
envoyés, qui insistèrent sur la nécessité de stopper le déclin des Ogisos. Ils
lui parlèrent des temps de morts et de mauvaises récoltes, du règne de la
méfiance installée partout ; ils lui promirent qu´ils allaient changer et
qu´ils allaient garder l´unité d´Igodomigodo comme la prunelle des yeux de Dieu
voit tout.
Oduduwa paraissait de ne pas les entendre. Tandis que les
messagers parlaient il s´était maintenu tout le temps yeux fermés, plongé dans
une sommeil tranquille. Tout d´un coup et comme s´il s´était réveillé d´une
longue réflexion il cria : « D´accord ! » Je vous promets d´envoyer mon fils
Oranyán et je vous assure qu´il saura gouverner aussi bien et même mieux que
moi. Alors les messagers, les mines heureuses et solennelles, baissèrent leurs
têtes et marmonnèrent : Qu’il soit ainsi, qu’il soit ainsi ! Et le vieux
continua de parler :
«- Avant tout il faut me donner une preuve que vous mêmes et tous
ceux qui sont restés à Igodomigodo sont devenus sérieux et responsables». Les
messagers s´y engagèrent en leur nom et au nom des autres. Oduduwa fit une
proposition. Il envoya 7 poux aux chefs de ce peuple afin de les faire soigner
et de les faire revenir trois ans plus tard, s´ils étaient capables de les
garder. Une fois écoulé le temps, les poux furent rendus sains et saufs, ils
avait grandi et pris du poids et ils avaient même une meilleur coloration.
Oduduwa touché et impressionné par une telle attitude avait
compris qu´un peuple qui avait été capable de garder avec tant de soins et avec
ténacité 7 insectes insignifiants, pouvait mériter de recevoir son fils et il
le leur envoya.
Pour les habitants du Bénin cette histoire qu´explique qu´on
attribue à Oranyan la fondation de ce royaume et qu’il soit considéré comme le
véritable et authentique roi d´Ilé-Ifé. D´après cette légende, Oranyán est
arrivé au Bénin où il s´est marié. Il a eu un fils appelé Eweka et après avoir
habité durant quelques années dans le palais d´Usuma, il est rentré dans
Ilé-Ifé. On dit alors qu´Eweka est monté au trône du Bénin en tant qu´Eweka I.
Cela est arrivé autour du 1200 de notre ère.
Parmi les récits connus sur Oduduwa certains qui relatent qu´il
s´agissait d´une femme. Dans le livre Religion of the Yorubas, d´Olumide Lucas
on dit qu´il agit d´une femme, l´épouse d´Obbatalá. Cet auteur arrive même à
affirmer qu´il s´agit d´une déesse survivante d´une déité de l´ancien Egypte et
que le nom Oduduwa peut être divisé en deux parties : Odu et Dua. Le mot Odu
signifie « un chef », un grand personnage, tant que le mot Dua vient de
l´ancien mot égyptien Dua-t qui signifie « l´autre monde ». C´est pourquoi
Odu-Dua signifie le « chevalier de l´autre monde » ou la « maîtresse de l´autre
monde ». L´auteur nous explique que le titre de chevalier de l´autre monde a
été appliqué pour la première fois au dieu Ra et à Osiris et plus tard à
d´autres déités de l´autre monde. Ce qui est vrai c´est que cette version
d´Oduduwa en tant que femme est la moins crédible et inconsistante de toutes
les existantes.
Une version à caractère historique nous présente Oduduwa appelé
aussi Oodu ou Olofin en tant qu´un guerrier qu´affronte Obbatalá, le leader du
peuple Igbo, basé à Ilé-Ifé. On spécule qu´Oduduwa a ordonné la rédaction d´une
constitution pour le peuple d´Ilé-Ifé et la mise en place d´un gouvernement qui
devait être dirigé par lui-même. Lorsque Obbatalá a appris cette décision s´est
opposé catégoriquement, en disant qu´il possédait autant de mérites ou plus que
Oduduwa. Dans le prolongement des conflits entre les deux leaders, Obbatalá n´a
pas tardé à se soulever dans les collines Ifé et il a été suivi de son peuple.
A la suite d´une bataille longue et acharnée Obbatalá a été vaincu par Oduduwa
et ses hommes.
Un historien nigérien raconte qu´avant Oduduwa, il y avait 13
groupes de hameaux en Ilé-Ifé et celui appartenait à l´un d´eux. Chaque hameau
avait un chef ou roi (oba) et ils gouvernaient par roulement.
Lors du règne d´Obbatalá, Oduduwa appartenait à un groupe qui
habitait les collines de Oke Ora et c’est à partir de cet endroit qu’il
l´affronta. Cette lutte a duré une génération et à la fin s´est imposé le
groupe Oduduwa qui a remporté la victoire grâce à l´appui décisif d´une belle
femme appelée Moremi.
Une tradition raconte que lorsqu le conflit a éclaté entre les
deux groupes, Moremi, qui appartenait au groupe d´Oduduwa et qui, on suppose, a
été sa femme, se demandait à maintes reprises quel était le secret des
victoires obtenus par l´ennemi. Obsédée par cette idée on raconte que Moremi se
serait rendue à côté de la rivière et elle promit aux dieux que si elle
parvenait à deviner le secret d´Obbatalá, en tant que récompense elle
sacrifierait son fils unique nommé Oluorogbo. Selon cette légende la belle
Moremi s´est laissée prendre par les Igbos, les gens d´Obbatalá, et une fois
dans le camp ennemi elle a pu savoir en quoi consistait la tactique de combat,
dont le mystère consistait à couvrir les corps des soldats d´Obbatalá de
feuilles afin de se déguiser en esprits. Ainsi chaque fois que les suiveurs
d´Oduduwa voyaient ces feuilles vivantes en train de marcher, ils fuyaient sur
le champ. Il y a aussi un récit selon lequel Moremi a pu connaître le secret
parce qu´elle devint la maîtresse du roi des Igbos et gagna sa confiance.
Moremi réussit à s’échapper avec le secret et elle révéla tout à Oduduwa. A
partir de ce moment Oduduwa pu vaincre son ennemi. Moremi tint parole et
sacrifia son fils dans la rivière Ezimirin.
A la suite de la victoire d´Oduduwa, il se dédia à la mise en
place d’une monarchie bien organisée et il parvint à unir les 13 hameaux.
Certains chercheurs affirment qu´après la mort d´Oduduwa les deux groupes se
sont unis moyennant un accord dans lequel l´autorité politique était exercée
par le groupe d´Oduduwa à travers un symbole, la couronne d´Are, tandis que les
fidèles à Obbatalá obtinrent l´autorité religieuse. Obbatalá possède aussi une
grande importance en tant qu´artiste chef et ont dit que pendant son règne le
titre Obbatalá avait un caractère suprême parmi les Igbos et c´est à cette
période que furent réalisés des chefs d´oeuvre d’art et d’artisanat.
Pour Abimbola, professeur et chercheur Yoruba reconnu, Président
de l´Université d´Ilé-Ifé et auteur de plusieurs ouvrages sur les traditions et
les croyances de ce peuple, ainsi que pour d´autres auteurs, Oduduwa a créé le
gouvernement moderne ainsi que les institutions et les organisations qui ont donné
son prestige à la nation Yoruba. Selon Abimbola, Oduduwa a été le premier Ooni
ou Olofi. Il a eu plusieurs épouses, parmi lesquelles Olokun Seniade, Osara et
Ojummo-Yanda. Pour certains il eut 7 enfants, pour d´autres 16.
Dans son ouvrage A History of West Africa 1000-1800, l’historien
réputé Basil Davidson avance que l´un des enfants d´Oduduwa est devenu le
premier Alafin d´Oyó, ainsi que le père du premier Oba du Bénin. Un autre de
ses enfants a été le premier Onisabe de Sabe; on parle aussi d´une fille aînée
qui fut la mère du premier Alaketu de Ketu à Dahomey, tandis qu´une autre de
ses filles fut la mère du premier Olowu de Owu. Il serait mort aveugle à 150
ans.
Plus nous fouillons dans l´histoire Yoruba les coïncidences
frappantes sur l´existence réelle d´Oduduwa apparaissent. Le Dr Atanda dans une
étude intéressante à ce sujet a écrit ce qui suit: « Bien qu´Oduduwa ait été
une immigrant ou un aventurier politique, sa présence a été un pilier dans
l´histoire du peuple Yoruba. Ilé-Ifé a atteint sa gloire grâce à cet homme.
Quelle qu’ait été son origine, la tradition est très claire sur le fait qu´il a
lutté pour le pouvoir politique en terres Yoruba. Il a guidé le peuple d´Ifé à
supporter et à écraser l´agression de quelques voisins puissants décidés à
détruire le royaume naissant ».
Finalement on considère que la révolution d´Oduduwa a eu lieu
entre la fin du 9eme siècle et le début du 10eme, à partir de laquelle
émergèrent les autres royaumes et empires Yorubas
SOURCE:http://assoyoruba.blogspot.com/
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